Stanislas Pays

Titre de la Thèse: La « renaissance » culturelle belge de 1880 au regard de la Renaissance des XVe et XVIe siècles. Portrait d’une imitation créatrice

Date de début de la thèse: 2011

Directeur (trice): Luc Bergmans

Résumé: 

Nous nous proposons d’étudier la Renaissance des XVe et XVIe en tant que référence et source d’inspiration du renouveau des arts et des lettres belges de 1880. Porté par des écrivains et des artistes tels qu’Émile Verhaeren, Edmond Picard, Félicien Rops ou James Ensor qui le qualifient eux-mêmes de « renaissance », ce mouvement correspond à un moment d’intense créativité durant lequel l’on voit se former une culture autochtone belge qui se veut distincte de la culture des premières décennies de l’indépendance nationale (1830-1880), jugée sans éclat et inféodée aux « modes » étrangères. Au delà même de la teneur polémique du terme qui permet de se dissocier du passé proche, il s’impose dans ce contexte que la Renaissance sert avant tout de matrice à une doctrine du progrès au sein de laquelle le principe d’imitation créatrice, si cher aux renaissants, joue un rôle primordial ; rappel et actualisation du riche patrimoine pictural, renouvellement de la langue en réaction au classicisme français à partir de références plus souples telles que Rabelais, glorification de la figure de l’artiste génial de la Renaissance, véritable modèle à suivre, résurgence de la légende noire anti-espagnole comme point d’ancrage de la définition d’un tempérament nordique fantasmatique, promotion d’un panthéisme se revendiquant de la tradition mystique flamande ou du mouvement des Frères et Sœurs du Libre Esprit… les exemples sont en effet nombreux, témoignant de l’étendue et de l’efficacité de la référence à la période renaissante au cœur du projet culturel belge de 1880. Cette étude s’articulera autour d’un corpus précis comprenant une sélection d’œuvres littéraires et artistiques dues à Eugène Demolder, Georges Eekhoud, James Ensor, Edmond Picard, Félicien Rops et Émile Verhaeren, et s’appuiera sur les principaux périodiques du temps tels que La Jeune Belgique, L’Art Moderne ou Le Coq Rouge, supports des manifestes et écrits théoriques, tout en tenant compte du regard critique porté sur l’héritage de la Renaissance par certains symbolistes dont Maurice Maeterlinck et Georges Rodenbach. Il s’agira de déterminer d’une part, la conception de la Renaissance qui était en usage dans un tel milieu, et d’autre part les facteurs qui influencèrent un regain d’intérêt pour cette période historique. Ces considérations appelleront un examen minutieux des événements, figures, formes artistiques, modes de pensée renaissants auxquels se référa la « renaissance » culturelle belge de 1880. Une étude de la manière dont s’est opérée la reconstitution du passé dans ce cadre précis s’imposera également, celle-ci veillera particulièrement à déterminer la place qu’occupèrent l’imaginaire et les idéologies au sein de ce processus. La même attention sera ensuite accordée à l’analyse des nouvelles créations artistiques et des théories que le pouvoir de stimulation de la Renaissance a contribué à produire. Le résultat de ces recherches devra contribuer à mettre en lumière le processus de création artistique et de renouvellement des formes d’art, en révélant notamment la place de l'imaginaire mythique au sein du modernisme littéraire et artistique défendue par la Belgique fin-de-siècle. Il devra apporter également une meilleure connaissance du système de représentations et de valeurs à l’origine des constructions historiographiques, en soulignant le rôle trop souvent mésestimé des littérateurs et des artistes dans l’élaboration des mythes mobilisateurs qui composent l’identité d’une nation, et peuvent conditionner une certaine vision de l’histoire. La connaissance et l’étude de ces mythes renseigneront davantage sur l’identité profonde de la Belgique fin-de-siècle en définissant à la fois ses racines et ses aspirations, et permettront une évaluation de la valeur conceptuelle de la Renaissance en tant que paradigme. Il sera enfin question de participer à la reconnaissance au sein des lettres francophones, de ces idiomes novateurs, inspirés de la verve rabelaisienne et de l’imagerie breughélienne, que sont la zwanze et le coruscant.