LES PLAIDOYERS À LA RENAISSANCE

Date: 5 Juin 2014 au 6 Juin 2014

Organisateur : Géraldine CAZALS (Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse) et Stéphan GEONGET (Université de Tours, Institut universitaire de France)

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Résumé : 

Voilà quelques années déjà qu’à propos de sujets extrêmement divers fleurissent des « Plaidoyers » en tous genres. Pour le bonheur, pour la santé, pour l’enfant-roi, pour la justice, pour  l’éco-fiscalité,  pour  la  forêt,  pour  la  mondialisation,  pour  la  presse :  tout  semble désormais prétexte à plaidoyer. Il faut dire que, selon le dictionnaire de l’Académie qui le définit comme « toute défense écrite ou orale, en faveur d’une personne, d’une opinion, d’une cause », le plaidoyer s’avère être une forme de discours, et d’écrit, des plus malléables et susceptible de s’attacher aux objets les plus variés. Cette plasticité du reste suscite elle-même l’intérêt :   au   plan   de   l’éducation  générale,  dans   le   cadre   d’un   renouvellement  de l’apprentissage de l’argumentation à l’école, la remise à l’honneur des plaidoyers est ainsi à l’ordre du jour.

Or,  de  façon  très  paradoxale,  l’un  des  domaines  pourtant  privilégié  du  plaidoyer échappe à cet engouement généralisé, le domaine juridique. Il faut en effet le constater, plusieurs réformes (dont le « plaider-coupable » introduit en droit français par la loi du 9 mars 2004) ont ces dernières années fait reculer l’importance du plaidoyer, défini ici plus strictement comme le discours prononcé par un avocat pour défendre le droit d’une partie dans le cadre d’une procédure. Révélatrices d’une évolution, voire d’une mutation, importante des métiers juridiques et de l’expression du droit lui-même, ce changement ne saurait être passé sous silence. Car le plaidoyer est, de toute antiquité, intimement lié à l’exercice des professions juridiques et à l’expression du droit.

Notre histoire en atteste en particulier par l’éclosion, au XVIIe siècle, de nombreux ouvrages  comme  ceux  d’Olivier  Patru,  d’Antoine  Le  Maistre  ou  de  Claude  Gauthier, témoignant de l’âge d’or de l’éloquence parlementaire si bien étudié par Marc Fumaroli. Mais pas seulement. Car c’est à la Renaissance, au moment même où l’humanisme triomphant élabore les fondements de la pensée juridique et du droit moderne, que le plaidoyer est placé au centre des questionnements juridiques. C’est même dès le XVe  siècle que les plaidoyers commencent à circuler dans le monde juridique et que la matière recueillie dans les registres de plaidoiries du Parlement s’étoffe et c’est dès le début du siècle suivant que l’engouement suscité par la redécouverte des grands plaidoyers antiques de Démosthène ou de Cicéron, de La Rhétorique à Herennius ou de L’Institution oratoire de Quintilien incite les jurisconsultes à replacer l’éloquence au cœur des fonctions judiciaires. En témoigne le développement des remontrances d’ouverture et de harangues dans lesquelles les juristes humanistes tels Du Vair ou Du Faur de Pibrac savent si bien mêler politique, droit, histoire et rhétorique. Dès la fin du XVIe  siècle, et donc bien avant l’«âge classique » des plaidoyers, l’éblouissante rhétorique des avocats qui se produisent au Parlement font de ce dernier une véritable « académie d’éloquence du royaume ».

Alors même que, contrairement à leurs homologues du l’âge classique du milieu et de la fin  du  XVIIe   siècle,  les  Plaidoyers de  la  Renaissance n’ont  jusqu’à  ce  jour  fait  l’objet d’aucune étude, ce colloque entend s’emparer de cette question pour nourrir d’importantes réflexions actuelles sur la nature du droit et sur la culture littéraire des juristes. Dans la lignée de plusieurs colloques récents relatifs à ces questions et portant spécifiquement sur la Renaissance, période charnière de l’histoire du droit et de l’histoire des lettres (L’écriture des juristes, dir. L. Giavarini, Classiques Garnier, 2010 ;  Bourges, hommes de lettres, hommes de lois, dir. S. Geonget, Klincksieck, 2011 ; Arrêts notables, arrêts mémorables à la Renaissance, dir. G. Cazals et S. Geonget, Droz, sous presse), il s’agira d’examiner l’essor des plaidoyers à la Renaissance sans a priori et sous un angle pluridisciplinaire.

Parmi les lignes directrices du colloque, figure en premier lieu l’idée d’analyser les sources parlementaires pour examiner l’évolution des plaidoyers entre le XVe et le XVIe siècle, en tâchant de mieux connaître la manière dont les plaidoyers étaient, dans un premier temps, effectivement plaidés par les avocats, puis dans un second temps d’identifier la manière dont ils furent parfois réécrits, avec soin, avec la perspective nouvelle de les confier à l’édition pour les faire imprimer.

Ce faisant, il s’agira aussi de comprendre dans quelle mesure les modèles antiques du plaidoyer ont pu servir pour élaborer et fixer la forme des plaidoyers contemporains et d’interroger la structure des œuvres.

Une attention particulière sera enfin donnée au mélange intrinsèque du droit et de la littérature, en envisageant par exemple les rôles respectifs des fondements légaux et des citations littéraires dans l’argumentation, l’importance des raisonnements, syllogismes et des figures de style dans l’expression.

Intéressant très directement les historiens du droit et les historiens de la littérature, ce colloque est codirigé par une spécialiste de l’histoire du droit, Géraldine CAZALS  (Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse) et par un spécialiste de l’histoire de la littérature, Stéphan GEONGET (Université François Rabelais de Tours, Institut universitaire de France).

Le colloque bénéficie d’ores et déjà du soutien financier de l’Institut Universitaire de France.