Renan Crouvizier

Titre de la Thèse: Gestes et identités de l'alchimiste en France: 1500-1630

Courriel: renan.crouvizier@etu.univ-tours.fr

Date de début de la thèse: 2018

Date de soutenance: Vendredi, 17 Novembre, 2023

Directeur (trice): Pascal Brioist

Discipline: Histoire

Résumé: 

Résumé de la thèse en français :  

L’étude systématique de sources diversifiées écrites (littéraires, juridiques et techniques) et archéologiques, permet de réévaluer la place que l’alchimie a occupée dans la France de la Renaissance entre 1500 et 1630. Les théories concernant la matière validaient à la fois la possibilité de transmutation et donc d’aurifaction, et l’ensemble des pratiques artisanales manipulant la matière : orfèvrerie, verrerie, métallurgie, production de couleurs, d’acides… La question des affaires de fraudes et des escroqueries, dont la littérature générale se fait largement l’écho pendant toute la période et que la justice doit régulièrement instruire, concerne la plupart du temps seulement l’alchimie transmutatoire. Sur le plan social, l’alchimie est largement répartie dans les groupes sociaux urbains, maîtrisant l’écriture et disposant de revenus permettant d’investir au minimum dans la fabrication d’un four et l’achat de quelques ustensiles voire de quelques livres. L’alchimie est pratiquée par les artisans dont c’est le métier, mais un nombre important d’entre eux, probablement en diminution à partir de la fin du XVIe siècle, montre de l’intérêt pour l’alchimie transmutatoire. C’est ce qui intéresse exclusivement les autres groupes sociaux, parmi lesquels nous avons particulièrement remarqué, par leur investissement, les membres du clergé essentiellement régulier, les magistrats et surtout les élites nobiliaires et particulièrement les rois de France, dont la spécificité est de plus faire pratiquer l’alchimie que la pratiquer eux-mêmes. L’attention aux gestes pratiqués a permis de faire apparaître une chronologie spécifique, qui désigne la seconde moitié du XVIe siècle comme étant la période pendant laquelle s’amorce une attention à une pratique plus quantitative et moins qualitative. L’absence de d’instruments de mesure conduit les praticiens à redoubler d’ingéniosité et à développer le recours aux cinq sens d’une manière nettement plus systématique qu’auparavant, et même de tenter de donner plus de précisions aux calculs de proportion. Ces mutations progressives sont le terrain d’une modification des conceptions mêmes de l’alchimie, qui s’affirme au début du XVIIe siècle : la reproductibilité progresse et permet une certain standardisation des opérations ainsi qu’une transmission des connaissances de nature à favoriser ultérieurement un progrès collectif ; en revanche, dans le domaine de l’alchimie transmutatoire, le caractère aléatoire de la réussite des opérations continue de renvoyer à la nécessité de l’aide de Dieu. On peut trouver tout au long du XVIIe siècle des alchimistes pouvant adopter simultanément les deux postures, dans la pratique artisanale comme dans l’alchimie transmutatoire, mais on observe dès le début du XVIIe siècle des praticiens se détournant de l’alchimie transmutatoire, même s’ils ne remettent pas encore en cause les fondements communs aux deux types de pratique.

 

Résumé de la thèse en anglais:  

The systematic study of diversified written (literary, legal and technical) and archaeological sources, makes it possible to reassess the place that alchemy occupied in Renaissance France between 1500 and 1630. The theories concerning the matter validated both the possibility of transmutation and therefore of aurifaction, and all the artisanal practices manipulating the material: goldsmithery, glassware, metallurgy, production of colors, acids... The question of cases of fraud and scams, of which the general literature is made widely echoed throughout the period and which justice must regularly instruct, mostly concerns only transmutatory alchemy. On the social level, alchemy is widely distributed in urban social groups, mastering writing and having income allowing them to invest at least in the manufacture of an oven and the purchase of a few utensils or even a few books. Alchemy is practiced by craftsmen whose trade it is, but a significant number of them, probably decreasing from the end of the 16th century, show interest in transmutatory alchemy. This is what exclusively interests the other social groups, among whom we have particularly noticed, by their investment, the members of the essentially regular clergy, the magistrates and above all the noble elites and particularly the kings of France, whose specificity is more have alchemy practiced than practice it themselves. Attention to the gestures practiced has made it possible to reveal a specific chronology, which designates the second half of the 16th century as being the period during which attention to a more quantitative and less qualitative practice begins. The lack of measuring instruments leads practitioners to redouble their ingenuity and to develop the use of the five senses in a much more systematic way than before, and even to try to give more precision to the calculations of proportion. These progressive mutations are the ground for a modification of the very conceptions of alchemy, which asserts itself at the beginning of the 17th century: reproducibility progresses and allows a certain standardization of operations as well as a transmission of knowledge likely to favor later collective progress; on the other hand, in the field of transmutatory alchemy, the randomness of the success of operations continues to refer to the need for God's help. One can find throughout the 17th century alchemists able to adopt both postures simultaneously, in the artisanal practice as in transmutatory alchemy, but we observe from the beginning of the 17th century practitioners turning away from transmutatory alchemy, even if they do not yet call into question the foundations common to the two types of practice.