Titre de la Thèse: Chambord, domaine des plaisirs du roi. Histoire d'une capitainerie royale des chasses (XVI-XVIIIe siècles)
Courriel: virginie.berdal@etu.univ-tours.fr
Date de début de la thèse: 2017
Directeur (trice): Benoist Pierre
Discipline: Histoire
1523. François Ier a entrepris, quatre ans plus tôt, la construction d'un nouveau palais d'agrément, satellite de celui de Blois, sur les terres de Chambord. Conçu avec une remarquable modernité, il s'apprête à éblouir souverain, diplomates, courtisans, écrivains ou simples voyageurs de passage. Pourtant, il ne résume pas lui seul le grand œuvre du roi de France à Chambord. Nul bijou sans son écrin, nul palais sans son "jardin"… François Ier veut constituer autour de sa nouvelle résidence un vaste parc clos dont il vient lui-même "marquer" les limites en 1523 et en 1530. Nombre de terrains privés sont annexés, par achat ou échange, entre 1538 et 1544. Un mur de clôture s'élève dans le même temps au Nord et à l'Ouest du château. Même si le domaine n'atteint pas les limites espérées par le souverain, sa surface est estimée à 3 000 ha à la fin de son règne. Variété des paysages (zones boisées, marais, landes, prairies, zones agricoles), multiplicité des points d'eau, faune sauvage abondante, enceinte maçonnée : le "grand parc" voulu par François Ier à Chambord n'est pas sans rappeler l'environnement des demeures princières du duché de Milan, visitées par le roi pendant sa première campagne d'Italie. Et comme à Pavie ou à Milan, il est voué aux loisirs cynégétiques autant qu'à la manificience d'une fastueuse résidence. François Ier met ainsi en place la dernière année de son règne une administration particulière pour assurer la gestion de la grande faune et la surveillance du parc : Chambord est érigé en "capitainerie royale des chasses", à l'instar des domaines de Fontainebleau en 1534 ou de Corbeil en 1538. Un contigent de gardes veille sur le domaine des Plaisirs du roi, sous l'autorité d'un capitaine des chasses. Au XVIIe, le parc de Chambord s'étend encore à l'initiative de Monsieur, frère du roi Louis XIII, qui a reçu par apanage le comté de Blois en 1626. De nouvelles terres privées sont en effet réunies au domaine à l'Ouest et au Sud-Est du château. Il atteint sa surface actuelle de 5 440 ha alors que s'achève la construction de son enceinte maçonnée, longue de 32 km. Mais les annexions de terres ne sont pas officialisées par la signature de contrats de vente ou la compensation financière de leurs propriétaires. Louis XIV doit, dès le décès de son oncle en 1660, régulariser ces annexions au moment où le comté de Blois retourne dans le domaine royal. Autres évolutions d'importance : Chambord devient le siège d'une prévôté et d'une maîtrise des Eaux et Forêts, tandis que le territoire juridictionnel de la capitainerie est étendu sur une douzaine de paroisses circonvoisines du parc. Enfin, la nouvelle ordonnance de réformation des Eaux et Forêts publiée en 1669 renforce la règlementation au sein des capitaineries royales : caractère exclusif de la chasse en faveur du roi et de ses officiers, subordination de toute activité, même agricole, au calendrier des chasses ou de reproduction de la faune sauvage, etc. Une quarantaine d'officiers est nommé pour conserver le territoire, organiser les séjours de chasse du roi, faire respecter les réglements et juger les délits. Le mécontentement des populations locales s'accroit face à cette expansion territoriale et aux règlements contraignants imposés par la capitainerie. En réponse, le braconnage persiste et le mur de clôture du parc est régulièrement endommagé. A la fin du XVIIIe siècle, le mécontentement se transforme en lutte active pour demander la suppression de la capitainerie royale des chasses de Chambord. Les rois n'y chassent plus depuis 1685 ; pour autant, la population souffre des règlements appliqués avec la plus grande rigidité, de la violence présumée des officiers et des dévastations causées dans les cultures par la surabondance de gibier. Les nobles, eux, s'élèvent contre l'atteinte à leur droit de la propriété : ils sont interdits de chasser sur leurs propres terres. La capitainerie est devenue un symbole d'oppression et d'injustice. En 1777, des mémoires rédigés à l'adresse du roi Louis XVI pour dénoncer le système font leur œuvre : reconnaissant "l'inutilité" de l'établissement et son important coût d'entretien, il supprime la capitainerie de Chambord pour ne conserver sur place que quelques gardes et portiers. Jusqu'à la Révolution, le parc de Chambord trouve une nouvelle destination : peu après la rédaction d'un mémoire physiocratique destiné à dynamiser et rentabiliser la gestion du territoire, Chambord est voué à l'élevage équin au profit de l'administration des Haras du royaume, dirigés par le Marquis de Polignac.