Avis de soutenance de thèse « Les “riches inventions” d’un roman alchimique : édition commentée de L’Histoire veritable ou Le Voyage des princes fortunez de François Béroalde de Verville (1610) », Laetitia Bontemps

Date: 1 Décembre 2018

Soutenance de thèse de doctorat en Lettres modernes - Samedi 1er décembre 2018, CESR, Tours - Laetitia Bontemps

« Les “riches inventions” d’un roman alchimique : édition commentée de L’Histoire veritable ou Le Voyage des princes fortunez de François Béroalde de Verville (1610) »

Qualifiée d’« œuvre steganographique » par son auteur, L’Histoire véritable ou Le Voyage des princes fortunez  (1610) inaugure le roman alchimique en France en réactivant le modèle littéraire de Francesco Colonna, l’Hypnerotomachia Poliphili (1499) « alchimisé » par Nazari et Gohory, puis édité par Béroalde de Verville (1556-1626) en 1600 dans son Tableau des riches inventions du Songe de Poliphile[1] . Longtemps méconnu, le dernier roman béroaldien avant le banquet satirique du Moyen de parvenir (1626) est d’abord redécouvert par Elisabeth Vordemann (1933) qui identifie sa source principale, une traduction et compilation italiennes de contes orientaux, le Peregrinaggio di tre figliuoli del re di Serendippo de Cristoforo Armeno (1557). Par ses jeux intertextuels, il représente l’aboutissement d’un cycle romanesque commencé avec Les Avantures de Floride, et poursuivi avec La Pucelle d’Orléans puis L’Histoire d’Hérodias. Mis en ligne[2] sur le site des Bibliothèques virtuelles humanistes dès 2003 puis réédité dans une version modernisée par Georges Bourgueil, ce chef d’œuvre méritait une édition commentée, complétée par une introduction, un glossaire, des index, et une bibliographie actualisée.

À la lumière des recherches béroaldiennes qui ont suivi l’étude fondatrice de Verdun-Léon Saulnier (1944), notre thèse propose une édition commentée du roman qui met en valeur l’inventivité et la libre écriture du polygraphe tourangeau, ainsi que la forte cohérence de l’ensemble de son œuvre. La genèse du roman découvre un échange littéraire fertile avec son grand ami, le poète Nicolas Le Digne, ainsi qu’une adaptation créatrice de sa principale source italienne. L’annotation du roman révèle des sources littéraires et savantes qui attestent une culture humaniste et un lien étroit entre fiction et savoir notamment médico-alchimique. La mise en fiction de l’alchimie s’articule avec la conception rationnelle ou grivoise de cet art chez notre auteur qui pratique à l’occasion (et de manière marginale) la iatrochimie en parallèle de sa charge de chanoine à la cathédrale de Tours. Si Béroalde a toujours cherché en l’alchimie une science nouvelle et expérimentale – quitte à prendre quelques distances avec ses autorités –, celle-ci nourrit des jeux linguistiques, jeux de logique et jeux narratifs qui interrogent sur le sens profond du récit initiatique. La quête de la « sainte Galanctisée » mêle recherche de l’elixir et quête néo-platonique d’un amour véritable vu comme la recherche de la beauté et de la sagesse absolues. La quête se heurte à l’indicible, mais stimule bien des audaces de l’invention romanesque. Enfin, la distance du narrateur s’exprime parfois dans des pointes satiriques et les républiques idéales de Sympsiquée et Gaucontaine entrent en résonance avec les reflexions menées dans deux autres textes politiques de Béoralde dont on propose une transcription intégrale, son poème L’Idée de la république (1584) qui s’inspire librement de celle de Platon, et son discours anonyme récemment identifié, De la guerre (1589), exhortation pacifique en pleine guerre de la Ligue.

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