Jérémy Perret

Titre de la Thèse:  Insularité et Stato da mar: gouverner les îles en Mer adriatique (1500 - 1571)

Courriel: jpe01400@gmail.com

Date de début de la thèse: 2020

Directeur (trice): Florence Alazard (En cotutelle avec l'Università degli Studi di Padova, sous la supervision de Egidio Ivetic)

Discipline: Histoire

Résumé: 

Au début du XVIe siècle, Venise est maître de la quasi-totalité des côtes orientales de l'Adriatique et de son archipel, de Veglia à Corfù. Seuls les ports de Fiume et Durazzo, ainsi que la République de Raguse, échappent à son contrôle. Cet ensemble forme le Stato da mar vénitien en mer Adriatique. Les territoires de la Sérénissime confinent avec de nombreux voisins, aussi bien sur terre que sur mer, qui contestent son hégémonie dans le golf. A l'Est, l'Empire ottoman s'est emparé de toute la péninsule balkanique et menace tout l'arrière-pays dalmate. A l'Ouest, l'Empire des Habsbourg, qui comprend le royaume de Naples et une partie de l'Istrie, ainsi que les États pontificaux de Ravenne à Ancône, disputent à la République vénitienne sa domination maritime. Le dominio vénitien en Adriatique est donc encerclé politiquement et militairement de toutes parts. L'historiographie vénitienne est riche d'une multitude d'ouvrages sur la relation entre Venise et le Stato da mar. Ce champ de recherche connaît un nouvel élan depuis ces vingt dernières années : nombreux sont les historiens qui se sont attachés à expliquer, à démontrer, les raisons et la cohérence (ou non) de cet « état de la mer ». Déjà Roberto Cessi, dans Venezia e il problema dell'Adriatico (1953), évoquait le lien étroit qui lie Venise et la mer en reprenant les écrits de Paolo Sarpi (1552-1623), qui défendait alors la souveraineté de droit des Vénitiens sur le Golf qui porte leur nom. Plus récemment, Monique O'Connell, dans Men of Empire ? Power and Negotiation in Venice's Maritime State (2009), justifie la persistance du Stato da mar au cours des siècles, par la somme des intérêts privés marchands intrinsèquement imbriqués aux intérêts de la République toute entière. L'historien Benjamin Arbel propose, quant à lui, une analyse de ces dominions à travers le prisme des colonies de sfruttamento (exploitation), enracinant ainsi le schéma centre/périphérie (Il Commonwealth veneziano, part. II, 2015). D'autres, enfin, comme Oliver Jens Schmitt, grâce à son concept de kommunikationsraum (espace, air de communication), prend le contre-pied de ce schéma en positionnant Venise « en périphérie de ses périphéries » et met en évidence tous les flux culturel, économique et politique qui circulent sans passer par la Lagune (Das venezianische Sudosteüropa Kommunikationsraum, 2009). Bref, la nature du Stato da mar, son ciment et la justification de son existence sont au cœur d'un débat toujours très vif. Cependant, personne ne s'est encore intéressé à la question du gouvernement : comment gouverne-t-on un territoire maritime, entre droit de la mer et droit de la terre ? C'est pourquoi, j'ai décidé de consacrer ma thèse à l'insularité du Stato da mar, c'est-à-dire la relation dynamique qui se construit entre ces espaces insulaires et les sociétés qui y vivent. Autrement dit, il s'agit de comprendre comment Venise exerce son gouvernement dans l'archipel dalmate et grec durant la première moitié du XVIe siècle (1500 ca. ? 1571), dans l'Adriatique. Les îles qui composent mon corpus d'étude sont celles de Veglia, Cherso, Pago, Brazza, Lesina, Curzola et Corfù. Cette définition axiomatique du concept d'insularité a pour but d'établir un juste compromis entre un absolutisme déterministe et réducteur, et une négation qui consisterait à dire qu'une île est parfaitement similaire à tout autre objet géographique. Etudier le gouvernement de ces îles consiste à s'intéresser à la manière dont la République utilise son pouvoir, dirige son administration, pour répondre à des problématiques quotidiennes liées à la vie politique, économique, sociale et culturelle des petites communautés insulaires dalmate et grecque. Afin de mener à bien ce projet, un important travail sera entrepris en archives. Contrairement aux recherches réalisées ces dernières décennies, l'essentiel des fonds que j'étudierai se trouvent en Croatie et en Grèce. Bien évidemment, les Archives d'État de Venise seront consultées, mais je compte mettre au cœur de mon travail les documents conservés dans les Archives d'État de Rijeka, de Zadar, de Split et de Corfou. Car, pour la très grande majorité, ils n'ont fait jusqu'alors l'objet d'aucune étude. Les ducali e terminazioni, ? lettres échangées au sujet d'un litige entre le Sénat et le conte, représentant de l'autorité vénitienne sur l'île, et ayant valeur de loi ?, seront étudiées pour relever la nature des problèmes auxquels Venise doit faire face. Certains d'entre eux seront regardés à la lumière de documents tels les contralittere (registres concernant les bateaux), les processi ou encore les contrabandorum. Le but est de remonter à la source du conflit et de suivre les différentes étapes de sa résolution. Cette méthode permettra d'entrevoir les mécanismes du gouvernement vénitien, mais aussi de mieux saisir la conception qu'entretient Venise de son pouvoir, de sa manière de gouverner, et sa perception de cet « état de la mer » à la géographie si particulière. Pour terminer, l'analyse sera accompagnée d'une littérature secondaire fournie, en français, anglais et italien. J'entends, de plus, utiliser ma connaissance du croate pour accorder une part significative à la bibliographie en langue serbo-croate, car celle-ci est depuis trop longtemps méconnue et ignorée par l'ensemble des spécialistes d'histoire vénitienne, ce qui constitue un manque considérable qui est temps de combler. Par cette démarche novatrice, je compte ainsi m'inscrire pleinement dans une démarche transnationale visant à connecter des traditions historiographiques, certes différentes, mais avant tout, complémentaires.

Thèmes de recherche: 

  • L'Italie à l'époque moderne
  • Histoire des Balkans; Ex-Yougoslavie
  • Littérature serbo-croate
  • Histoire de la Méditerranée
  • Histoire transnationale

Cursus studiorum: 

  • Licence d'Histoire (Option professorat des Ecoles), Jean Moulin Lyon III 2015-2018.
  • Master CPR (Cultures et Patrimoine de la Renaissance), CESR 2018-2020.
  • Magistrale in Scienze Storiche, Università degli Studi di Padova (Erasmus) 2019-2020.
  • Doctorat en histoire moderne, CESR, Université de Tours, sous la direction de Florence Alazard. En cotutelle avec l'Università degli Studi di Padova, sous la supervision de Egidio Ivetic. 2020 -

Publications: