Titre de la Thèse: Les graffitis de la forteresse royale de Loches (XIIe-XVIIIe siècles). Gestes, techniques et interprétations : de l'expression lapidaire aux humanités numériques
Courriel: aymericgaubert41@gmail.com
Date de début de la thèse: 2021
Directeur (trice): Benoist Pierre
Discipline: Histoire
La Vallée de la Loire constitue un environnement patrimonial particulièrement riche en graffitis anciens. La réalisation, la multiplication et la conservation de ces traces lapidaires s'expliquent par l'omniprésence du tuffeau, matériau de construction à la fois tendre et résistant, dans les châteaux royaux et les demeures privées et par la fonction carcérale pluriséculaire de certains de ces sites. La forteresse de Loches abrite l'un des plus riches corpus graffitologiques d'Europe dont la qualité technique et graphique, l'abondance et la variété en font un cas représentatif du phénomène graffiti dans son ensemble. Ces graffitis datent pour l'essentiel du XVe-XVIe siècle et ont été majoritairement réalisés par des prisonniers. La forteresse était en effet une prison d'État depuis le milieu du XVe siècle et renfermait, tout au long du XVIe siècle, des détenus de rang élevé qui ont pu bénéficier de bons traitements voire de moyens techniques. Ces conditions expliquent la présence, à côté de graffitis plus modestes, de véritables décorums gravés et peints à l'instar du cachot de Ludovic Sforza. La diversité technique qui s'y découvre (incision, gravure, sculpture, peinture, dipinti) vient questionner le geste créateur et les outils employés. L'étude des graffitis demeure un domaine de recherches encore peu exploré. Dans les années 1970-1980, les premières études sont menées par des passionnés, essentiellement dans le cadre de sociétés érudites locales. Précurseur dans ce domaine, Serge Ramond a réalisé dans la région de très nombreux moulages réunis au Musée des graffitis de Verneuil-en-Halatte (Oise). Depuis les années 2010, les explorations graffitologiques tendent à se développer dans le cadre universitaire et patrimonial. La prise de conscience de l'intérêt de l'étude des graffitis anciens, de leur préservation et de leur médiation émerge sans qu'une réflexion sur l'approche technique et méthodologique ne soit toutefois approfondie. Pour comprendre cette source encore négligée, le chercheur doit non seulement s'interroger sur son contexte de production et sa réalisation technique mais aussi réfléchir à la mise en place d'un protocole d'étude, d'exploitation et de datation (bases de données, relevés photographiques, numérisations) tout en utilisant des outils de traitement d'images (Image J, DStretch). Un tel travail incite à élaborer des typologies (par catégories, supports, représentations, outils et techniques) et à suggérer une nouvelle définition élargie dudit phénomène graffiti : le graffiti n'est pas seulement une incision lapidaire légère et une expression spontanée condamnée à une durée de vie éphémère. Le corpus lochois contribue précisément à repenser cette définition traditionnelle qui met de côté un certain nombre de productions : celles-ci ne sont pas étudiées parce qu'elles n'entrent dans aucune catégorie actuellement établie. Il s'agit donc de proposer une nouvelle approche de l'archéologie de la trace à partir du corpus graffitologique de l'époque tardo-médiévale et moderne de la forteresse de Loches. Cette démarche de collecte, de contextualisation, de comparaisons et d'hypothèses doit aussi permettre d'aborder la question de la médiation culturelle et numérique dont peut faire l'objet ce "patrimoine dans le patrimoine". Illustrant la démarche comparative, des analogies pourront être proposées avec les graffitis d'autres sites en France ou en Europe comme la Vallée d'Aoste, au Nord-Ouest de l'Italie, dont le corpus rejoint la richesse graffitologique de la Vallée de la Loire. Parmi les nombreuses demeures seigneuriales qui s'y trouvent, le château d'Issogne totalise à lui seul près de 600 inscriptions datant surtout du XVe-XVIe siècle. Plus généralement, cette abondance de la trace traduit un besoin et un réflexe graffitologiques forts. L'auteur de la marque ou de l'ornementation extériorise sur la pierre une émotion, un message, un souvenir, un état d'âme, une opinion ou une ferveur religieuse avec souvent la volonté (plus ou moins consciente) de laisser une empreinte pour la postérité. À mi-chemin entre le document culturel et l'expression artistique, le graffiti tire sa forme graphique d'un support qui a ses caractéristiques morphologiques et topographiques spécifiques. Ce pourquoi il est à considérer in-situ. Il peut ainsi pallier l'absence de sources écrites comme à Loches, où les archives concernant le fonctionnement carcéral de la forteresse ont été détruites pendant la Révolution française. Le graffiti révèle une sensibilité individuelle et reflète la culture visuelle de la société dans laquelle il s'inscrit. Cet objet carrefour, autant historique qu'anthropologique, contribue à l'étude des mentalités et des représentations. Il appelle une approche pluridisciplinaire : histoire, histoire de l'art, anthropologie, archéologie, humanités numériques, science des techniques et des matériaux, épigraphie ou encore sémiologie. L'archive lapidaire devient alors une source historique à lire en plus d'un geste à saisir. Trois axes de recherche peuvent ainsi s'esquisser : appréhender le contexte de production, tenter d'identifier les corpus iconographiques et les techniques utilisées, et émettre des hypothèses d'interprétation et d'attribution.
Travaux de recherches :
Colloques :
Expériences professionnelles :
Membre du Groupe de Recherche en Graffitologie Ancienne (GRGA) et du Centre International de Recherches Glyptographiques (CIRG).
Engagements associatifs :
Engagements citoyens non partisans et représentation :