Titre de la Thèse: En quoi l'ouvrage de Loisel, au croisement du droit et de la littérature, met-il en œuvre une esthétique de la brièveté qui sert avec efficacité un projet juridique tout en faisant entendre la voix particulière d'un écrivain à part entière ?
Date de début de la thèse: 2014
Directeur (trice): Stephan Geonget
Discipline: Littératures française et anciennes
En 1608, Antoine Loisel (1536-1617) publie Institutes coutumières ou Manuel de plusieurs et diverses règles, sentences et proverbes du droit coutumier et plus ordinaire de la France ; dans ce recueil de 908 maximes, son objectif est de dégager des diverses coutumes des provinces françaises un droit commun coutumier, et ce dans une forme élégante. Ce jurisconsulte, disciple de Cujas, affirme dans sa préface qu'il a mis quarante ans à « réduire (…) tant de ramas confus et incertain (…) à la conformité, raison et équité d'une seule loi, coutume, poids et mesure sous l'autorité de sa Majesté ». Il donne donc à son travail une fonction juridique et politique à la fois en clarifiant et uniformisant le droit français au service du pouvoir royal. Mais il faudra aussi s'interroger sur la dimension littéraire d'un ouvrage dont l'auteur plein de modestie écrit : « n'y ayant apporté que bien peu du mien, avec l'ordre et la liaison dont j'ai appris qu'il faut toujours avoir grand soin ». Loisel a-t-il réellement limité son rôle à la structuration de ces maximes ou bien est-ce là la posture traditionnelle d'un préfacier qui se veut humble pour attirer la bienveillance de son lecteur ? Par ailleurs, il note sa « simplicité d'écrire » en se référant aux jurisconsultes romains des premiers siècles qu'il prend comme modèles. Nous devrons tâcher de déterminer en quoi consiste la simplicité de l'écriture dans son rapport avec l'esthétique de la brièveté. Il sera intéressant de se demander en quoi la forme de la maxime telle que Loisel la collecte et, le cas échéant, la reformule a une relation privilégiée avec l'expression du droit. Nous pourrons aussi étudier l'ambiguïté d'un langage juridique forgé par la plume d'un écrivain à part entière puisqu'à la Renaissance il n'y avait pas de réelle frontière entre la littérature et l'étude du droit, les humanistes lettrés étant formés aux deux disciplines. Le livre de Loisel n'est-il qu'un assemblage impersonnel de règles juridiques universelles ou révèle-t-il la parole singulière d'un auteur dont la personnalité littéraire apparaît malgré lui ? L'écriture brève efface-t-elle réellement toute trace de l'auteur ? Au contraire ne manifeste-t-elle pas clairement sa présence ? On devra donc aussi s'interroger sur le rôle du jurisconsulte : est-il totalement transparent comme il le suggère en étant simplement un passeur objectif essayant de clarifier des règles déjà existantes ou transmet-il sa propre vision du droit, c'est-à-dire une idéologie particulière ? C'est la question de l'impartialité qui sera abordée ici